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Monographie clinique

Marguerite, ou l’Aimée de Lacan (3ème édition)
Jean Allouch
Collection monographie clinique, 674 pages. Prix 38 €. ISBN 978-2-35427-513-6

Toi qui lis ces lignes, tu ne sais pas encore quel objet tu auras en main.

Une monographie clinique, certes, reprenant à nouveaux frais ce qui fut présenté par Jacques Lacan au titre de sa thèse de psychiatrie, et qui en propose une interprétation très différente. Elle s’imposait, de nombreux éléments nouveaux ayant été exhumés depuis sa publication en 1932.

Mais aussi un « sobre et strict tombeau » selon celui-là même – Didier Anzieu – dont, à l’époque, la vie fut l’enjeu majeur de la folie de Marguerite, sa mère.

Rien n’annonçait un tel accueil, bien au contraire, tant Anzieu avait pris position contre Lacan. J’en fus bouleversé.

Jean Allouch

Les quatre crimes de Ricardo Melogno
Entretiens
Carlos Busqued

Epel, janvier 2020, 168 pages, 21 €. Distribution Sodis. ISBN 978-2-35427-199-2

En septembre 1982, quatre chauffeurs de taxi furent assassinés lors d’une même semaine, exactement de la même manière, dans le même quartier populaire de Buenos Aires. Le meurtrier continua de vaquer dans les mêmes rues, à l’insu de la police, jusqu’à ce que son frère, découvrant l’arme utilisée, permette de connaître son nom : Ricardo Melogno.

Ce très jeune homme avoua aussitôt, sans toutefois pouvoir dire un mot de ce qui l’aurait conduit à commettre ces crimes. Ce silence n’était nullement une dérobade ; rien ne l’aura brisé durant les trente ans de réclusion qu’il eut à purger. Et la quasi-totalité des diagnostics et traitements psychiatriques qui lui furent appliqués n’ont cessé de buter contre.

Peu de temps avant sa libération, lors de ces entretiens avec Carlos Busqued, Ricardo Melogno répétait encore : « Si j’avais dit que je tuais pour voler, je serais en liberté depuis quinze ans. Ou que je l’avais fait pour le plaisir. Il y aurait une logique. Mais je me rappelle aucune cause, aucun détonateur. Il y a eu aucun antécédent avant. »

Qu’y a-t-il donc au cœur de l’acte, qui se fait jour ici, et reste soustrait ?

Né en 1970 en Argentine, Carlos Busqued a publié en 2008 un premier roman : Bajo este sol tremendo (Anagrama). Ces « Entretiens » ont déjà été traduits en anglais.

Camille Claudel, l’ironique sacrifice
Danielle Arnoux
EPEL 2001 / ISBN n°2908855607 / 334 p. / 35 euros.

L’œuvre de Camille Claudel cesse au moment de son délire. Quelle est donc l’articulation entre sa création et sa  » folie, absence d’œuvre  » (M. Foucault) ? En étudiant les dernières grandes sculptures, L’âge mûr, œuvre de la rupture avec Rodin, Clotho, cri d’un deuil, Persée et la Gorgone, défaut de la protection, on voit la persécution porter sur l’appropriation de l’œuvre. Répondant à une demande de sacrifice, Paul Claudel écrit la Trilogie ; chez Camille, la folie prend l’œuvre comme objet d’un ironique sacrifice.

« Je l’ai tué, dit-elle, c’est mon père »
Diego Nin, Raquel Capurro
EPEL 2005 / ISBN n°2-908855-80- / 352 p.

Montevideo (Uruguay), été 1935. Un fait divers secoue la ville : Iris Cabezudo, une jeune et brillante étudiante, vient de tuer son père d’un coup de revolver. Déclarations devant le juge, articles de presse, jugements, expertises médicales, version écrite par la mère, archives, témoignages, récits d’Iris elle-même dont la qualité littéraire a aussitôt été reconnue composent ici un ensemble rare par son étendue et sa diversité.
Presse et justice accueillent d’emblée la version maternelle des événements que la jeune fille reproduit comme en écho : le père tyran menaçant et violent, la mère victime de cette violence dont les enfants étaient témoins. Expertises psychiatriques à l’appui, le juge conclut à un non-lieu : Iris aurait tué sous la menace de la folie meurtrière de son père, pour y mettre fin. Libérée après une année de prison, elle retourne dans sa famille et achève ses études d’institutrice.
Elle découvre alors, surprise, que son acte n’a pas eu les effets escomptés. Loin d’avoir mis un terme à l’enfer familial, il l’a renforcé. La mère continue à multiplier des reproches sans fin à l’encontre du mort. Scrutant sa conduite Iris conclut que c’était elle, cette mère si idéale et idéaliste, la véritable cause des malheurs familiaux.
Qu’est donc la persécution pour pouvoir si radicalement basculer d’une adhésion sans partage à un refus forcené ?
Décembre 1956 : Iris demande qu’on examine sa mère. Elle la tient pour folle. Réaction immédiate du psychiatre : diagnostiquée et hospitalisée comme paranoïaque, Iris se trouve plus démunie face à l’ordre médical qu’après son crime. Elle s’en explique par écrit.
Elle sera alors autorisée à sortir de l’hôpital, mais à deux conditions : quitter la maison paternelle et accepter sa mise à la retraite. La voici contrainte à vivre, vagabonde dans la ville, sans le moindre appui.
Bientôt s’étend son réseau de persécuteurs ; sans cesser d’être familiale, sa question devient sociale. En désaccord avec les directrices d’école et les autorités de l’Éducation, Iris donne son point de vue critique sur la fonction enseignante, le système d’enseignement, les dangers liés à l’intrusion des catholiques dans la laïcité de l’école uruguayenne.
Quel rapport établir entre le crime (qui lui fait dire à la police : « Je l’ai tué, c’est mon père ») et ce délire en deux scènes par lequel elle essaie vainement de s’expliquer ?
Iris Cabezudo fut, en Uruguay, ce que furent les sœurs Papin en France, l’instituteur Wagner en Allemagne, James Tilly Matthews en Angleterre : non seulement un de ces rares cas fondateurs de la psychiatrie mais une de ces affaires qui ne cessent d’interroger le social comme tel.

Envoi de Christine Angot
Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Françoise Ben Kemoun
12 Illustrations.

Zone frère – Une clinique du déplacement
Patricia Janody
EPEL 2014 / ISBN n°2908855607 / 184 p. / 23 euros.

 » J’aurais cette prétention : écrire ici quelque chose à propos de mon frère, car c’est déjà, si peu que ce soit, ébrécher ce discours qui réduit chaque fou à son étiquette diagnostique et qui, sans vergogne, se démultiplie frénétiquement.  »
Psychiatre, Patricia Janody est sollicitée par Hamidou et Hawa au sujet de leur frère enfermé dans la maison familiale, en Mauritanie. La sorte de journal qu’elle se met à tenir et le voyage qu’elle entreprend avec eux font entrer en résonance son expérience professionnelle et son histoire personnelle.
S’invente ici une écriture, qui mêle étroitement l’intime et la théorie, le proche et le lointain, la chronique et les notations cliniques, et qui interroge, ce faisant, le mythe de fondation de la psychiatrie.