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À la recherche du devenir femme n/Noire

Place Publique


Dernière date

6 Avril 2019 - Paris

MARIQUIAN AHOUANSOU
Dialogue avec Mayette Viltard

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« Fracture coloniale », « situation postcoloniale », « question noire », « condition noire », etc., la majorité des analyses qui se concentrent sur les relations raciales françaises depuis une dizaine d’années appréhendent le phénomène de façon descriptive. Ces études qui articulent le racial et le social se sont engouffrées dans des approches d’inspiration postcoloniale et des discriminations raciales qui ont pour paradigme dominant de s’apparenter à la (re)construction d’une frise chronologique, avec ses ruptures qui attestent des nouveautés survenues depuis notre entrée dans le troisième millénaire.

Au lieu d’une approche similaire, j’utilise la méthode transversale préconisée par Félix Guattari. Il s’agit pour ma part d’élaborer une épistémologie de la singularité au lieu de rabattre mes données sur « des épistémologies rationnelles et centrées », canons de la littérature anthropologique. En effet, la transversalité acéphale, qui multiplie les connexions diagonales, dans le but stratégique de déjouer les formations de pouvoir de l’événement, à travers ce qui paraît anecdotique et qui fait la matière d’une ethnographie, souligne simultanément la vitesse à laquelle les subjectivités se font et se défont, de même qu’elle invite une analyse de type cartographique qui retrace les diverses trajectoires qu’a suivi la société entre 2006 et 2015 : période que je me suis engagée à tenter de cartographier dans ma recherche.

À l’expression « politique identitaire », je préfère celle d’« identité politique » au  sens où j’entends le mouvement de la vie comme une politique. Je pars du postulat que « [le] visage est une politique » afin d’examiner le devenir français n/Noir. Cette notion de devenir utilisée par Deleuze et Guattari dans Qu’est-ce que la philosophie ? m’a permis de m’affranchir des catégories de race, d’identité et de pouvoir pour penser la subjectivité dans un processus vitaliste.

« Le devenir n’est pas de l’histoire ; l’histoire désigne seulement l’ensemble des conditions si récentes soient elles, dont on se détourne pour « devenir », c’est-à-dire pour créer quelque chose de nouveau. C’est exactement ce que Nietzsche appelle l’Intempestif. Mai 68 a été la manifestation, l’irruption d’un devenir à l’état pur. […] On dit que les révolutions ont un mauvais avenir. Mais on ne cesse de mélanger deux choses, l’avenir des révolutions dans l’histoire et le devenir révolutionnaire des gens. Ce ne sont pas les mêmes gens dans les deux cas. La seule chance des hommes est dans le devenir révolutionnaire, qui peut seul conjurer la honte, ou répondre à l’intolérable ». Gilles Deleuze, Pourparlers.

Et plutôt que de parler d’agency et d’empowerment, j’ai choisi de parler de subjectivation, ce qui permet de s’éloigner d’une lecture essentialisante (biologique et psychologique) des identités et facilite la reconnaissance de la construction du soi dans la vie sociale (en soulignant le fait que les individus possèdent des identités multiples). Cependant, la renaissance d’une subjectivation noire a été jusqu’à présent appréhendée sur le mode d’identités préexistantes (nègre, antillaises, africaine, noire), comme des processus plus ou
moins harmonieux résultant d’une normalité stable avec des changements d’identités minimaux – de Nègre à Antillais et à Africains, d’Antillais à Français et d’Africains à Noir, en formant des groupes explicitement scindés. C’est la lutte exigée dans le façonnement des identités politiques et son corollaire, la créativité qu’elle implique, qui manifeste la singularité. Ici la pensée de Deleuze et Guattari présente un avantage particulier car le processus de subjectivation est appréhendé comme « toujours mouvement », et l’expérience ou
le souvenir ont toujours une fonction de reterritorialisation.

« Le nouveau, l’intéressant, c’est l’actuel. L’actuel n’est pas ce que nous sommes, mais plutôt ce que nous devenons, ce que nous sommes en train de devenir, c’est à dire l’Autre, notre devenir-autre. Le présent, au contraire, c’est ce que nous sommes et, par là même, ce que nous cessons déjà d’être. Nous devons distinguer non seulement la part du passé et du présent, mais, plus profondément, celle du présent et celle de l’actuel. Non pas que l’actuel soit la préfiguration même utopique d’un avenir encore de notre histoire, mais il est le maintenant de notre devenir ». Deleuze et Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?

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  • 6 Avril 2019

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES


Au rez-de-chaussée du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris
de 14h à 16h30

Participation aux frais:
10 euros (tarif réduit 5 euros)