LES CENDRES DE FREUD. Berggasse 19 en 2023
Plaza Pública
Fecha tope
17 junio 2023 - Paris
Film le matin et CONFÉRENCE l’après-midi
proposé par Sylviane Lecoeuvre, Mayette Viltard
Todas las fechas
-
17 junio 2023
Argumento
Place publique 2023
LES CENDRES DE FREUD
Berggasse 19 en 2023
Film le matin et CONFÉRENCE l’après-midi
proposé par
Sylviane Lecoeuvre, Mayette Viltard
SAMEDI 17 JUIN 2023
Le matin de 9h à 12h : Projection d’un film
L’après-midi, de 14h à 16h30 : Conférence
à L’Agora
64 rue du père Corentin 75014 Paris
Metro Ligne 4 Porte d’Orléans Bus 38 et 92 Tram T3a
Vous, [le Musée Freud] vous ne méritez pas de porter ce nom !Voilà ce que Lydia Marinelli, conservatrice du Musée Sigmund Freud de Vienne de 1999 à 2008, pouvait entendre à cette époque au cours d’une formation houleuse organisée à l’endroit de jeunes experts en muséologie.
Il s’agissait de savoir ce qu’est un musée, quelle fonction il doit remplir et sous quelles conditions.
« Je trouve que vous, vous ne méritez pas de porter ce nom ! Vous ne devriez pas vous appeler musée. Ce qu’on voit ici n’a vraiment rien à faire avec un musée ; les musées montrent des œuvres d’art, des collections mais ici … »
Un participant à cette formation interrompit sa phrase à cet endroit […]
Le professeur essaya de la terminer en renvoyant les auditeurs aux différentes définitions de ce concept de musée, ce qui était précisément l’objet de cette formation. […] Dans ces réserves exprimées le Musée Freud de Vienne était considéré comme le produit d’une usurpation de nom.
En résumé, l’appellation « lieu de mémoire » aurait semblé plus approprié […]
Lydia Marinelli, Body Missing, p.215. 2009.
En 1975, lors de ma première visite, c’était un appartement aux murs nus, sans meubles avec quelques vitrines renfermant des manuscrits et d’autres souvenirs mineurs. Visuellement, il était dominé par des photographies (d’Edmund Engelman prises en 1938) grandeur nature de ce qu’il était autrefois, des photographies qui remplaçaient tous les objets qui avaient été transférés à Londres.
Il y avait une atmosphère dérisoire, peut- être délibérément induite pour rappeler aux visiteurs une perte que la guerre avait infligée à Vienne mais cela faisait tout de même penser qu’un musée de faux souvenirs est un faux musée – un musée-écran aurait dit le freudien.
John Forrester, Collector, Naturalist, Surrealist. Dispatches From The Freud Wars, p 132. 1997.
Ce qui déclenche ce sentiment d’incongruence, c’est que ce musée ne donne pas à voir ce que les institutions donnent à voir, ce qui déçoit les visiteurs au lieu de les honorer […]
Attaché aux différentes représentations associées à l’adresse de Freud un des visiteurs qui, dans les années 1960, se rendit à la maison de Freud au 19, Berggasse et qui, déçu, ne trouva qu’une porte miteuse fermée était Jacques Lacan. Qu’espérait-il voir en dehors du seul spectacle d’un immeuble ? […] C’est justement cette fonction de réassurance que le Sigmund Freud Museum de Vienne ne peut remplir. L’espoir de trouver les traces d’une histoire particulière, individuelle s’en trouve contrarié.
Lydia Marinelli, Body Missing, pp. 215-221.
[…] Un des enjeux principaux de la rénovation (2018-2020) de ce musée qui a ouvert en 1971 à Vienne, à l’adresse où Freud a passé toute sa vie, était de travailler avec le vide. C’était une tâche cruciale […] On ne peut pas faire comme si l’Anschluss n’avait jamais existé et la participation de l’Autriche au IIIème Reich n’avait pas eu lieu. Le divan lui-même est simplement évoqué. Des détails propres à une muséographie de l’évocation plutôt que de la démonstration, qui invitent à la réflexion sur l’absence et la présence, à l’image de la psychanalyse elle-même.
Daniela Finzi, Mercredi 16 décembre 2020, Radio France, Affaires en cours,
Le Sigmund Freud Museum, « une réflexion sur l’absence propre à la psychanalyse ».
Il s’agit d’évoquer pour commencer à imaginer. Le visiteur arrive avec ses propres envies et images de Freud, de son cabinet, de son divan. S’il quitte ce musée en ayant eu le temps d’imaginer et d’entrer dans son rêve, ayant vu une trace, un reste, et non pas le tout, je pense que la visite est réussie.
Daniela Finzi, 16 décembre 2020, Radio France.
Vous avez laissé de côté ce que l’émigré éprouve de façon particulièrement douloureuse. C’est – et c’est tout ce qu’on peut dire : la perte de la langue dans laquelle on a vécu et pensé et qu’on ne remplace jamais par une autre langue malgré tous nos efforts pour la ressentir. Je saisis et observe cruellement à quel point les expressions familières en anglais me font défaut et combien je regimbe à abandonner l’écriture gothique.
En même temps, on a souvent entendu qu’on n’était pas allemand. Et on est bien sûr très content de ne plus avoir besoin d’être allemand.
Sigmund Freud à Raymond De Saussure, 11 juin 1938.
La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être celui qui l’a laissée. L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose ; avec l’aura, c’est elle qui se rend maitre de nous.
Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXème siècle, p. 464. 1989.
Pour qu’un fragment de passé puisse être touché par l’actualité, il ne doit y avoir aucune continuité entre eux.
Walter Benjamin, p. 487.
Vienne, le [mardi] 13 septembre 1910
Cher Papa !
[…] Je mène à présent une vie de vagabonde. En général je mange chez Mathilde, aujourd’hui j’étais chez tante Pauli, je suis annoncée pour demain chez les Winterstein et je vais ce soir avec Ernst chez Lampl. Parfois, dans les intervalles, je suis aussi à la maison, où j’ai 8 ou 9 pièces à mon entière disposition. […] J’aime beaucoup être chez Mathilde, elle ne sort pas beaucoup et elle est fantastiquement agréable […] L’appartement va bien, il commence lentement à se remettre en ordre. Nous nous retrouvons avec une très belle salle de bain pourvue d’un poêle au gaz et la cuisine a été agrandie […] Demain, c’est ton anniversaire de mariage ; n’est-ce pas un bon prétexte pour t’envoyer une quantité spéciale de saluts et de baisers ? C’est ce que je fais en restant toujours
Ton Anna
Et tu ne m’écriras donc pas ?
Syracuse, le 18 septembre 1910
Ma chère Anna
Je te remercie beaucoup pour ta chère lettre arrivée aujourd’hui en provenance de l’époque de ta solitude, aujourd’hui déjà révolue […] Je suis très content que tu discutes facilement avec Mathilde, elle est vraiment la référence à suivre et elle t’aime beaucoup […]
Je suis aussi très impatient de voir comment avancent les rénovations domestiques. Dis à Maman que si le tissu de mon bureau est trop taché, il faut que Spitz le fasse changer avant mon arrivée. Qu’on prépare aussi de la Karlsbad pour prolonger la cure entamée.
Tu le vois, mes pensées sont déjà plus à la maison que chez Archimède, qui a son monument ici, sous ma fenêtre, près de l’Aréthuse.
Je te salue, ainsi que tous les autres
De tout cœur, ton Papa
Sigmund Freud – Anna Freud, Correspondance (1904-1938), pp 54-58
Quelques textes:
Sigmund Freud (1899), « Über Deckerinnerungen », « Sur les souvenirs-écrans », in Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1973.
Sigmund Freud (1900), Die Traumdeutung, l’Interprétation des rêves, Paris, PUF,1967.
Sigmund Freud (1901), Zur Psychopathologie des Alltagslebens, Psychopathologie de la vie quotidienne, Paris, Payot, 1948.
Sigmund Freud (1925), Selbstdarstellung, Ma vie et la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1949.
Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXème siècle : Le livre des passages, 3ème édition, Paris, Les Editions du Cerf, 2009.
Lydia Marinelli, « » Body Missing « at Bergasse 19 », texte rédigé en anglais et édité à titre posthume, in American Imago, vol 66, n°2, pp 161-167, 2009. Edité la même année en allemand, in Tricks der Evidenz, Wien, Turia+Kant, pp.213-221.
Daniela Finzi, « Le Musée Freud de Vienne : un musée de soi-même », in Le Coq Héron, 2022/2, n°249.
Coll, sous la direction de Monika Pessler et Daniela Finzi, Freud IX. Berggasse 19. Ursprungsort der Psychoanalyse, Berlin, Hatje Cantz Verlag, 2020.
Agatha Boulanger, Signe Frederiksen, Jules Lagrange, Ce que Laurence Rassel nous fait faire, Paris, Paraguay Press, 2020.
Correspondances.
Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904, Paris, PUF, 2006.
Sigmund Freud- Anna Freud, Correspondance,1904-1938, Paris, Fayard, 2012.
Sigmund Freud, Lettres à ses enfants, Paris, Aubier,2012.
Sigmund Freud- Ernest Jones, Correspondance complète, 1908-1939, Paris, PUF, 1998.
et
Correspondances Freud-Ferenczi, Freud-Silberstein, Alix et James Strachey, Lynda Hart Performer le sado-masochisme, Michael Burlingham The last Tiffany, Jeffrey Masson Le réel escamoté, Ines Rieder Diana Voigt Sidonie Csillag, Elisabeth Marton, Mon nom était Sabina Spielrein (dvd), Eran Rolnik Freud à Jérusalem, Pasolini Les cendres de Gramsci.
Inscriptions sur place à 9h.
Participation aux frais:
la journée 20€ – tarif réduit 10€