L’œuvre écrite de Marguerite Anzieu, l’Aimée de Lacan, relève-t-elle de l’art ? Deux artistes mettent cette question à l’épreuve du théâtre.
Atelier
L’essai de M.-M. Lessana souligne l’apport de ces interviews, particulièrement quant à l’issue du roman Le ravissement…
Traduit de l’anglais (américain) par Isabelle Chatelet.
Format 17×23. 26 illustrations, dont un cahier central de 8 illustrations quadrichromie
Sortie début novembre. A commander dès maintenant.
Leo Bersani et Ulysse Dutoit réussissent à aborder l’œuvre du Caravage (Michelangelo da Merisi, 1573-1610) sans produire une analyse seulement esthétique ni une interprétation psychanalytique du peintre. Ils partent des premiers portraits de garçons pour insister sur leur caractère impénétrable. La tension qui existe entre l’invite érotique et les mouvements de retrait et de dissimulation des personnages les amène à attribuer l’intérêt de ces œuvres à la séduction énigmatique des regards et des poses qui appellent l’intimité tout en l’empêchant.
Faisant l’hypothèse que l’invite érotique énigmatique instaure des relations fondées sur une «fascination paranoïde», ils montrent ensuite comment le Caravage cherche, au fil de son œuvre, à dépasser ces relations. En détournant subtilement les thèmes chrétiens qu’il exécutait sur commande, le peintre expérimente un espace qui n’est plus circonscrit par la fascination pour les secrets imaginaires de l’autre (même si elle persiste) et où il explore un mode relationnel radicalement nouveau. Par exemple, dans l’œuvre la plus originale, Saint Jean Baptiste au bélier, les auteurs déchiffrent une sensualité non érotique qui coïncide avec les tentatives les plus excitantes d’aujourd’hui pour repenser, peut-être même pour réinventer, le réseau des liens sociaux, la communauté.
Leo Bersani a enseigné longtemps au département de l’université de Californie (Berkeley). Il est l’auteur, entre autres, de : Baudelaire et Freud, Théorie et violence : Freud et l’art (trad. fr. Seuil, 1981 et 1984) et Homos. Repenser l’identité (trad. fr. Odile Jacob, 1998), et coauteur, avec Ulysse Dutoit, de The Forms of Violence. Narrativity in Assiryan Art and Modern Culture (New York, 1985) et de Arts of Impoverishment : Beckett, Rothko, Resnais (New York 1992). Ulysse Dutoit enseigne le cinéma à l’université de Californie (Berkeley).
Le philosophe politique italien Toni Negri s’interroge ici sur la place de l’art dans le monde actuel. Dominé par la globalisation et la saturation du capitalisme, l’art comme le travail sont devenus abstraits. Où donc situer le beau dans le passage du moderne au post-moderne ? La question ne s’arrête pas à l’abstraction. Une mutation s’est opérée. Selon Negri, créer n’a plus aucun lien avec quelque nature que ce soit, ce n’est pas non plus une sublimation, mais une démesure (« excédence ») qui investit la multitude et découvre des formes à situer comme surplus de la production.
Dans un monde global à tendance impériale, pour qui la guerre est nécessaire, créer et générer deviennent des gestes de résistance, réinventant constamment des singularités (objets, signes), mais prises dans le commun. C’est la multitude. Le désir d’expression artistique est partout présent quand la multitude agit de manière créative. L’art investit la vie, là où elle se reproduit parce que notre puissance est plus grande que notre capacité à nous exprimer, « c’est là que la chair du monde peut devenir corps, et la génération peut devenir beauté ». Les seules valeurs artistiques qui vaillent anticipent ce devenir de la multitude.
Toni Negri est célèbre pour ses ouvrages de philosophie politique sur Marx, Spinoza et Leopardi. Figure engagée dans la pensée contestataire italienne des années soixante-dix, il connut la prison et l’exil. Aujourd’hui libre, il enseigne au Collège de Philosophie et à la faculté de Droit à Paris.Dits à la télévision : Entretiens avec Pierre Dumayet