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Conférence de l’Unebévue

Conférence


Dernière date

21 Janvier 2017 - Paris

LANGAGE ET CONDITION HUMAINE.

LES ENJEUX DE LA THÉORIE GUILLAUMIENNE

PAR ANDRÉ JACOB

présentation Xavier Leconte

 

En guise de préambule à la conférence de L’Unebévue d’André Jacob, nous vous faisons parvenir un compte-rendu de sa thèse (qui vient d’être rééditée), de Jean-François Lyotard. [cliquez ici]
Lyotard Jean-François. André Jacob, Temps et langage, Paris, Librairie A. Colin, 1967. In: L’Homme et la société, N. 5, 1967. pp. 220-224.

 

À la galerie au premier étage de l’ENTREPÔT

7 à 9 rue Francis de Pressensé

75014 Paris.

De 14h à 16h30

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  • 21 Janvier 2017

Argument


 En 1967 paraît le livre d’André Jacob Temps et langage. C’est aussi en 1967 que Deleuze écrit son texte « À quoi reconnaît-on le structuralisme ? » À l’époque, raconte Pascal Quignard, on pouvait trouver sur la petite table de la librairie de la faculté de Nanterre, les Problèmes de linguistique générale d’Émile Benveniste, La part maudite de Bataille, Proust et les signes de Deleuze, Les mots et les choses de Foucault, les Écrits de Lacan : « Vous voyez un peu cette configuration – cette configuration astrale au-dessus de nos têtes – […] ça comptait énormément, à l’époque, pour nous tous, y compris pour Lacan, y compris pour Lévi-Strauss, cette séparation signifiant/signifié que nous avions tous à la bouche, cette autonomie de la signification linguistique […] ».

Dans cette « configuration astrale » le livre d’André Jacob, qui prenait appui sur « l’étrange linguistique » de Gustave Guillaume, étoile filante solitaire et un tantinet dérangeante, allait avoir du mal à trouver sa place. Le livre reçoit pourtant un chaleureux accueil critique, en particulier de Jean-François Lyotard, qui salue « un corps de réponse fortement charpenté » à la question de la relation du temps avec la structure, et une réponse telle qu’elle obligeait à « modifier la façon même de penser cette relation ».

Dans ses cours des 19 et 26 mars 1985, Gilles Deleuze (re)découvre l’importance de Gustave Guillaume – dont il avait peu parlé en 1968 dans Différence et répétition – et ce, dans une jubilation manifeste, contagieuse et presque démesurée : « Alors vous vous rendez compte à quel point [Guillaume] en est, et à quel point ça doit nous réjouir ! Vous devez sentir que pour nous ça va être une solution inespérée, c’est le Salut immédiat ! », et plus loin : « C’est un jour de fête ! ». Une des choses qui réjouit Deleuze c’est que les linguistes détestent Guillaume :  «Vous pensez si les linguistes détestent un truc comme ça ! C’est la résurrection de la philosophie ! C’est la philosophie qui a tourné la linguistique et qui lui arrive dans le dos. Quelle merveille ! Ils aiment pas, ils aiment pas du tout Guillaume ! Ah c’est une drôle d’histoire ça, ils détestent Guillaume, ils disent c’est pas raisonnable Guillaume, ils disent c’est un très bon linguiste, mais si on supprime son affaire de signifié de puissance. Évidemment ! Ils n’en ont rien à faire, du signifié de puissance. Mais Guillaume, lui, il en a à faire, alors, qu’est-ce que c’est le signifié de puissance ? »

En 1952, Guillaume écrit qu’il « fait avec rigueur la distinction de ce qui en morphologie ressortit à l’étude du signifiant et de ce qui ressortit à l’étude du signifié de puissance, auquel le signifiant doit d’avoir une signification et de pouvoir signifier : de n’être pas un signe dénué de signification. Le signifié de puissance qu’emporte avec soi le signifiant n’a fait l’objet jusqu’à présent d’aucune étude méthodique. On l’a ignoré, et l’intérêt ne s’est attaché qu’aux signifiés d’effet, ouvrages momentanés du discours produits à partir du signifié de puissance qui en permet et en conditionne la production. Pour un même signifié de puissance, un et permanent, il peut être observé, dans le discours, des signifiés d’effet dont rien ne limite le nombre et dont la diversité tend à l’expression des contraires. »

Après guerre, en 1950, André Jacob, reprend ses recherches en vue de son doctorat de philosophie sur la question des rapports entre temporalité et langage, et Émile Benveniste lui conseille de lire le livre de Gustave Guillaume Temps et verbe, paru en 1929. André Jacob ne s’arrête pas à cette lecture et décide, dès 1952, d’aller écouter les cours de Gustave Guillaume à l’École Pratique des Hautes Études. Il y assistera ensuite de manière assidue, jusqu’au dernier, le 28 janvier 1960.

L’accent mis par la linguistique structurale de Saussure sur l’absence de termes positifs – il n’y a que des différences « éternellement négatives » – pose un problème : l’opposition ne nous renseigne nullement sur ce qui est censé s’opposer. Il manque une dimension. On se retrouve à jouer avec des ombres. C’est cette dimension manquante qu’a tenté de faire valoir Guillaume, celle qui permet de déterminer l’action du système virtuel de la langue (point de vue synchronique) sur la matière phonique. On retrouve la même idée dans la formule d’André Jacob : il ne peut y avoir de priorité de la synchronie que s’il s’y passe quelque chose. André Jacob, avec Guillaume, propose une « synchronie opérative » : la langue est envisagée  «cinétiquement », comme « système mobilisable au sein d’un sujet parlant ».

Langage et condition humaine. Les enjeux de la théorie guillaumienne

Quelques livres d’André Jacob :

Temps et langage, Essai sur les structures du sujet parlant, Tome 1, Penta Éditions, 2016 (Thèse principale,1ère édition chez Armand Colin en 1967)

Les Exigences théoriques de la linguistique selon G. Guillaume, Paris, Klincksieck, 1970 (Thèse complémentaire)

Esquisse d’une Anthropo-logique, CNRS Éditions, Paris, 2011

Les conditions de l’humain : Temps, Langue, Ethique et Mal, autour de l’oeuvre d’André Jacob (sous la direction d’Hervé Barreau), Armand Colin, 2013 (Colloque à L’ENS les 2-3 décembre 2011)

Sous la direction d’André Jacob:

Repenser la condition humaine. Hommage à Gustave Guillaume et à Jean Piaget, Collège international de philosophie et Unesco, Rive Neuve Éditions, 2012

– Encyclopédie philosophique universelle en 6 volumes, PUF, (1989-1998)

Principales oeuvres de Gustave Guillaume :

Problème de l’article et sa solution dans la langue française, Paris, Hachette, 1919 (on peut trouver des éditions en fac-simile)

Temps et verbe, théorie des aspects, des modes et des temps (1929), suivi de L’Architechtonique du temps dans les langues classiques (1945), Honoré Champion, 1970

Langue et science du langage, Nizet/Presses de l’Université Laval (Québec), 2ème édition 1969

Leçons de linguistique, 26 volumes publiés (en cours de publication aux Presses Universitaires Laval (Québec))

La correspondance scientifique de Gustave Guillaume, Septentrion, 1995

Autres

Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, 1968 (p. 264-65)

Gilles Deleuze, Cours des 19 et 26 mars 1985, à écouter sur le site de l’Université Paris 8 La Voix de Deleuze en ligne

Pascal Quignard, « Le mot littérature est “d’origine encore inconnue” », in Autour d’Émile Benveniste, Seuil, 2016

Émile Benveniste, Dernières leçons, Collège de France, 1968 et 1969, EHESS, Gallimard, Seuil, 2012

Edmond Ortigues, Le discours et le symbole, Beauchesne, Nouvelle édition 2007 (1ère édition 1962)

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10 euros (tarif réduit 5 euros)