Conférence de l’Unebévue
Conférence
Dernière date
21 Janvier 2017 - Paris
LANGAGE ET CONDITION HUMAINE.
LES ENJEUX DE LA THÉORIE GUILLAUMIENNE
PAR ANDRÉ JACOB
présentation Xavier Leconte
À la galerie au premier étage de l’ENTREPÔT
7 à 9 rue Francis de Pressensé
75014 Paris.
De 14h à 16h30
Toutes les dates
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21 Janvier 2017
Argument
Dans cette « configuration astrale » le livre d’André Jacob, qui prenait appui sur « l’étrange linguistique » de Gustave Guillaume, étoile filante solitaire et un tantinet dérangeante, allait avoir du mal à trouver sa place. Le livre reçoit pourtant un chaleureux accueil critique, en particulier de Jean-François Lyotard, qui salue « un corps de réponse fortement charpenté » à la question de la relation du temps avec la structure, et une réponse telle qu’elle obligeait à « modifier la façon même de penser cette relation ».
Dans ses cours des 19 et 26 mars 1985, Gilles Deleuze (re)découvre l’importance de Gustave Guillaume – dont il avait peu parlé en 1968 dans Différence et répétition – et ce, dans une jubilation manifeste, contagieuse et presque démesurée : « Alors vous vous rendez compte à quel point [Guillaume] en est, et à quel point ça doit nous réjouir ! Vous devez sentir que pour nous ça va être une solution inespérée, c’est le Salut immédiat ! », et plus loin : « C’est un jour de fête ! ». Une des choses qui réjouit Deleuze c’est que les linguistes détestent Guillaume : «Vous pensez si les linguistes détestent un truc comme ça ! C’est la résurrection de la philosophie ! C’est la philosophie qui a tourné la linguistique et qui lui arrive dans le dos. Quelle merveille ! Ils aiment pas, ils aiment pas du tout Guillaume ! Ah c’est une drôle d’histoire ça, ils détestent Guillaume, ils disent c’est pas raisonnable Guillaume, ils disent c’est un très bon linguiste, mais si on supprime son affaire de signifié de puissance. Évidemment ! Ils n’en ont rien à faire, du signifié de puissance. Mais Guillaume, lui, il en a à faire, alors, qu’est-ce que c’est le signifié de puissance ? »
En 1952, Guillaume écrit qu’il « fait avec rigueur la distinction de ce qui en morphologie ressortit à l’étude du signifiant et de ce qui ressortit à l’étude du signifié de puissance, auquel le signifiant doit d’avoir une signification et de pouvoir signifier : de n’être pas un signe dénué de signification. Le signifié de puissance qu’emporte avec soi le signifiant n’a fait l’objet jusqu’à présent d’aucune étude méthodique. On l’a ignoré, et l’intérêt ne s’est attaché qu’aux signifiés d’effet, ouvrages momentanés du discours produits à partir du signifié de puissance qui en permet et en conditionne la production. Pour un même signifié de puissance, un et permanent, il peut être observé, dans le discours, des signifiés d’effet dont rien ne limite le nombre et dont la diversité tend à l’expression des contraires. »
Après guerre, en 1950, André Jacob, reprend ses recherches en vue de son doctorat de philosophie sur la question des rapports entre temporalité et langage, et Émile Benveniste lui conseille de lire le livre de Gustave Guillaume Temps et verbe, paru en 1929. André Jacob ne s’arrête pas à cette lecture et décide, dès 1952, d’aller écouter les cours de Gustave Guillaume à l’École Pratique des Hautes Études. Il y assistera ensuite de manière assidue, jusqu’au dernier, le 28 janvier 1960.
L’accent mis par la linguistique structurale de Saussure sur l’absence de termes positifs – il n’y a que des différences « éternellement négatives » – pose un problème : l’opposition ne nous renseigne nullement sur ce qui est censé s’opposer. Il manque une dimension. On se retrouve à jouer avec des ombres. C’est cette dimension manquante qu’a tenté de faire valoir Guillaume, celle qui permet de déterminer l’action du système virtuel de la langue (point de vue synchronique) sur la matière phonique. On retrouve la même idée dans la formule d’André Jacob : il ne peut y avoir de priorité de la synchronie que s’il s’y passe quelque chose. André Jacob, avec Guillaume, propose une « synchronie opérative » : la langue est envisagée «cinétiquement », comme « système mobilisable au sein d’un sujet parlant ».
Langage et condition humaine. Les enjeux de la théorie guillaumienne
Quelques livres d’André Jacob :
– Temps et langage, Essai sur les structures du sujet parlant, Tome 1, Penta Éditions, 2016 (Thèse principale,1ère édition chez Armand Colin en 1967)
– Les Exigences théoriques de la linguistique selon G. Guillaume, Paris, Klincksieck, 1970 (Thèse complémentaire)
– Esquisse d’une Anthropo-logique, CNRS Éditions, Paris, 2011
– Les conditions de l’humain : Temps, Langue, Ethique et Mal, autour de l’oeuvre d’André Jacob (sous la direction d’Hervé Barreau), Armand Colin, 2013 (Colloque à L’ENS les 2-3 décembre 2011)
Sous la direction d’André Jacob:
– Repenser la condition humaine. Hommage à Gustave Guillaume et à Jean Piaget, Collège international de philosophie et Unesco, Rive Neuve Éditions, 2012
– Encyclopédie philosophique universelle en 6 volumes, PUF, (1989-1998)
Principales oeuvres de Gustave Guillaume :
– Problème de l’article et sa solution dans la langue française, Paris, Hachette, 1919 (on peut trouver des éditions en fac-simile)
– Temps et verbe, théorie des aspects, des modes et des temps (1929), suivi de L’Architechtonique du temps dans les langues classiques (1945), Honoré Champion, 1970
– Langue et science du langage, Nizet/Presses de l’Université Laval (Québec), 2ème édition 1969
– Leçons de linguistique, 26 volumes publiés (en cours de publication aux Presses Universitaires Laval (Québec))
– La correspondance scientifique de Gustave Guillaume, Septentrion, 1995
Autres
Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, 1968 (p. 264-65)
Gilles Deleuze, Cours des 19 et 26 mars 1985, à écouter sur le site de l’Université Paris 8 La Voix de Deleuze en ligne
Pascal Quignard, « Le mot littérature est “d’origine encore inconnue” », in Autour d’Émile Benveniste, Seuil, 2016
Émile Benveniste, Dernières leçons, Collège de France, 1968 et 1969, EHESS, Gallimard, Seuil, 2012
Edmond Ortigues, Le discours et le symbole, Beauchesne, Nouvelle édition 2007 (1ère édition 1962)
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Participation aux frais:
10 euros (tarif réduit 5 euros)