Malaise dans la chrétienté

La première pièce de la trilogie de Paul Claudel, L’Otage (les deux autres étant Le Pain dur et Le Père humilié), se situe à l’époque de Napoléon 1er. On y assiste à un « changement de versant de l’humanité », dit l’auteur. Sygne de Coûfontaine et son cousin le vicomte Georges sont confrontés au fils de leur ancienne servante, Toussaint Turelure, devenu baron et préfet de l’Empire, le roturier, symbole d’une « autre humanité qui réclame sa place au soleil ». Ce que ce personnage résume en une formule : « Nous vous servions et vous ne serviez plus à rien ». L’intrigue se noue autour de la personne du pape captif amené sous le toit de Sygne de Coûfontaine. L’héroïne claudélienne de cette « tragédie du désir » est alors appelée à consentir à un sacrifice inouï : épouser le bourreau de sa famille pour sauver le père suprême. Son confesseur Badilon qui l’obtiendra d’elle est un pauvre abbé paysan. Lacan nomme Versagung le renoncement de Sygne qui donne, au-delà de toute valeur de la foi, « un sens nouveau au tragique humain ».

Dans une lettre à Gide, qu’il ambitionne de convertir, Paul Claudel note que : « le chrétien ne vit pas comme le sage antique à l’état d’équilibre, mais à l’état de conflit … le chrétien seul connaît le désir » !

Danielle Arnoux

Tableau de Félicien Rops : La tentation de Saint Antoine.

Bibliographie

Paul Claudel, L’Otage, le Pain dur, Le Père humilié, Paris, Gallimard folio, n° 170.
Paul Claudel, Mémoires improvisés, recueillis par Jean Amrouche, Paris, Gallimard, 1954, 1969, 2001. Trente-deuxième entretien, p. 262-269.
Jacques Lacan, Le Transfert dans sa disparité subjective, sa prétendue situation, ses excursions techniques, séances des 3 mai et 17 mai 1961. téléchargeable sur ecole-lacanienne.net/Lacan- bibliothèque/Séminaires-Versions critiques.
Jacques Le Brun, Le pur amour de Platon à Lacan, Paris, Seuil, 2002, p. 319-326.

Pour entendre quelques échos balzaciens on peut lire :
Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, Paris, Gallimard folio, n°468.
Honoré de Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Paris, Gallimard folio, n°1056.