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Deleuze, Les mouvements aberrants par David Lapoujade

Place Publique


Dernière date

28 Mars 2015 - Paris

présentation Xavier Leconte

 

Conférences 2015

 

Lieu: À la galerie au premier étage de l’entrepôt

7 à 9 rue Francis de pressensé 75014 paris de 14h à 16h30

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  • 28 Mars 2015

Argument


Deleuze, Les mouvements aberrants
par David Lapoujade
présentation Xavier Leconte

 

Ce qui intéresse avant tout Deleuze, ce sont les mouvements aberrants. La philosophie de Deleuze constitue la tentative la plus rigoureuse, la plus démesurée, la plus systématique aussi, de répertorier les mouvements aberrants qui traversent la matière, la vie, la pensée, la nature, l’histoire des sociétés. Deleuze ne cesse de distinguer et de classer des mouvements aberrants. Son oeuvre, et celle commune avec Guattari, en est comme l’encyclopédie.

Ces mouvements aberrants n’ont rien d’arbitraire ; ce ne sont pas des anomalies sinon d’un point de vue extérieur. Ils n’ont rien non plus de contingent bien qu’ils ne puissent rendre raison par eux-mêmes de la nécessité qui les traverse. Cette nécessité leur vient d’ailleurs.

C’est précisément le problème : à quelle logique obéissent ces mouvements aberrants ? Ce problème a hanté Deleuze. Il faut chaque fois dégager la logique de ces mouvements. C’est un problème de pensée pure. Ce qui intéresse par dessus tout Deleuze, c’est la logique, produire des logiques.

Logique ne veut pas dire rationnel. On dirait même que pour Deleuze, un mouvement est d’autant plus logique qu’il échappe à toute rationalité. Plus c’est irrationnel, plus c’est aberrant, plus c’est logique pourtant.

La logique a toujours quelque chose de schizophrénique chez Deleuze. Cela constitue un autre trait distinctif : une profonde perversion au coeur de la philosophie. Se dégage ainsi une première définition de la philosophie de Deleuze : elle se présente comme une logique irrationnelle des mouvements aberrants.

Sous certaines conditions, les mouvements aberrants constituent la plus haute puissance d’exister tandis que les logiques irrationnelles constituent la plus haute puissance de penser.

En logicien impitoyable, Deleuze est indifférent à la description des vécus (des plus originaires aux plus ordinaires). Seule compte la logique mais parce qu’elle a une curieuse manière de se confondre, au-delà des vécus, avec les puissances mêmes de la vie.

D’où un autre trait distinctif, un vitalisme rigoureux. On peut insister sur le structuralisme de Deleuze, et plus tard, dans son « travail à deux » avec Guattari, sur leur machinisme, et l’on aura raison, mais ce qu’il y a de proprement deleuzien, c’est d’abord ce goût pour les mouvements aberrants, qui constitue son problème propre et, peut-être même la raison de sa collaboration avec Guattari. Ce à quoi servent le structuralisme puis le machinisme, c’est d’abord à former les logiques qui rendent raison de ces mouvements aberrants.

Le vitalisme de Deleuze est plus trouble, plus indécis qu’on ne l’affirme parfois. Les mouvements aberrants nous arrachent à nousmêmes, selon un terme qui revient souvent chez Deleuze. Il y a quelque chose de « trop fort » dans la vie, de trop intense, que nous ne pouvons vivre qu’à la limite de nous-mêmes. C’est comme un risque qui fait qu’on ne tient plus à sa vie dans ce qu’elle a de personnel, mais à l’impersonnel qu’elle permet d’atteindre, de voir, de créer, de sentir à travers elle. La vie ne vaut plus qu’à la pointe d’elle-même.

D’une manière très générale, les mouvements aberrants sont inséparables d’une force critique destructrice. N’y a-t-il pas une lutte contre la mort, non plus la mort positive de l’autodestruction, mais une toute autre mort, celle par laquelle le capitalisme nous fait passer et qui nous transforme en morts vivants, en zombis sans avenir ? C’est en ce sens que Deleuze et Guattari décrivent l’étrange « paix mondiale » dans laquelle nous vivons et contre laquelle ne cessent de lutter, moléculairement, minoritairement, certains mouvements aberrants.

QuelQues Livres
Gilles Deleuze, l’ensemble de son œuvre, et plus particulièrement Différence et répétition, et Logique du sens.

Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’anti-Œdipe

Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux

Claude Jaeglé, Portrait oratoire de Gilles deleuze aux yeux jaunes, PUF, 2005.

P. Montebello, Deleuze, la passion de la pensée, Vrin, 2008.

E. Alliez (Dir), Gilles deleuze, une vie philosophique, Synthélabo, 1998.

P. D’Iorio, « L’éternel retour. Genèse et interprétation », in nietzsche cahiers de l’herne, 2000.

David Lapoujade, empirisme et pragmatisme, PUF, 1997.

David Lapoujade, Fictions du pragmatisme. William et Henry James, Les Éditions de Minuit, 2OO8.

David Lapoujade, Puissances du temps. Versions de Bergson, Les Éditions de Minuit, 2O10.

David Lapoujade. Édition des ouvrages posthumes de Gilles Deleuze, L’île déserte et autres textes (2oo2) et deux régimes de fous (2003).

 

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