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FACONS DE DIRE

Séminaire


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Dernière date

10 Juin 2017 - Strasbourg

Sonia Weber

 

Ce séminaire se déroulera sur trois semestres, de janvier 2017 à juin 2018.

De 9h30 à 12h.

Lieu : Association Visa-Vie, 5 rue de Champagne 67100 Strasbourg, 11ème étage

Sauf le samedi 10 juin de 9h30 à 16h.

Lieu : Le pré des graines, 54540 Bionville.

Frais d’inscription pour l’année 2017: 70€, étudiants 20 €.

 

Toutes les dates


  • 28 Janvier 2017

    4 Mars 2017

    1 Avril 2017

  • 13 Mai 2017

    10 Juin 2017

Argument


Dans le fil des années précédentes, nous poursuivrons nos pérégrinations en gardant le parti pris d’articuler les questions du sujet de l’analyse et de la pratique analytique, à celle des subjectivations sociales, du déterminisme social « qui rend le champ des possibles étroitement circonscrit par la position de classe » (Eribon[1])

Nous avançons en essayant de tenir compte de la complexité et de la nécessité de penser ensemble « l’individuel et le social », « le singulier et le collectif », en ne méconnaissant pas la texture sociale et les institutions et organisations qui la gouvernent.

Le séminaire continuera, comme les années précédentes, à s’adosser à une pratique d’accueil de  « jeunes  hors du commun », autrement dit des « jeunes en délicatesse avec le social ou incasables», autrement dit « de jeunes avec qui les institutions sont en difficulté» autrement dit… aucune de ces nominations n’étant neutre.

Après les journées d’étude Point-Commun, nous nous attacherons pour cette session plus particulièrement à la question des langues, de « lalangue », de la parole et du dire.

 

  1. La langue comme instrument de pouvoir (Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Points Seuil 2001).

Si la langue dessine le monde et détermine nos manières de penser, de vivre et d’être au monde (Cassin[2]), si les mots ont un pouvoir (Butler[3], Klemperer[4]), quel monde se dessine quand les institutions médico-sociales sont gérées comme des entreprises dans lesquelles on parle de performance, compétitivité, gestion, efficacité ?

Quels effets de retour sur les pratiques, quand un éducateur « gère un portefeuille » (entendez: est référent de n situations d’enfants), quand on parle de personnes « éligibles » au RSA…, quand les soignants de l’hôpital doivent se concentrer sur la diminution des durées moyennes de séjour en veillant à la fluidité des trajectoires-patients et évitant les bed-blockers (sorte de monstre social qui occupe un lit plutôt que de retourner sous un pont), quand les psychologues doivent fixer des objectifs de travail pour justifier de l’intérêt de recevoir telle personne?

Et quels effets de retour sur les publics accueillis ?

 

  1. Dans ce contexte, quelles façons de parler pour rendre compte de pratiques, « parler » d’un patient ou d’une personne accueillie – puisque nous ne sommes pas dans nos consultoires et que les institutions nous sollicitent – en laissant place au divers, et « poétasser » davantage ?

Parler, dire; donner place aux dires (parole et actes) des personnes que nous recevons, sans pathologiser, sans catégoriser, interpréter ou chercher à encadrer en permanence. Mais « essayer, même quelques instants de mettre en suspens les distributions hiérarchiques, de dénaturaliser l’ordre des choses dans lequel nos vies évoluent ou sont poussées à évoluer, dénaturaliser les distinctions normatives, et essayer de fabriquer encore et encore des lieux pour accueillir les variations infinies du vivant » (Zeballos [5])

Se pose la question du public, d’un petit public Publikum et du passage à « un grand public » (les institutions) (Viltard [6]).

Et là encore quels effets de retour sur les personnes accueillies peut avoir ce « parler de » ?

 

  1. Dire.

« Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend » (Lacan [7])

« Un dire est de l’ordre de l’évènement » [8] Si un dire est de l’ordre de l’évènement, peut-il y avoir un dire sans parole ? Un dire qui prendrait la forme d’un acte?

Encore Lacan : « Ce qui est dit n’est pas ailleurs que dans ce qui s’entend. C’est ça la parole. Le dire, c’est un autre truc, c’est un autre plan ? C’est le discours. C’est ce qui est fait de relations, et qui vous tiennent tous et chacun ensemble, avec des personnes qui ne sont pas forcément là. C’est ce qu’on appelle la relation, la religio, l’accrochage social »[9].

Qu’est-ce à dire ?

Une invitation à « entendre » autrement ? Les paroles, mais aussi les silences, les agirs, les absences ? Et à lâcher sur l’injonction à parler à tout prix, à mettre des mots sur, élaborer, travailler sur soi, creuser, gratter, approfondir… ? Pour plutôt « dire à peine, dire sans dire, dire à côté » (Jullien [10]).

 

[1] Didier Eribon, Principe d’une pensée critique, Fayard 2016.

[2] Barbara Cassin, Eloge de la traduction, compliquer l’universel, Fayard 2016.

[3] Judith Butler, Le pouvoir des mots, Amsterdam, 2004 .

[4] Viktor Klemperer LTI, La langue du IIIe Reich, Pocket 1996.

[5] Luciana Zeballos, intervention aux Journées Point-Commun, Strasbourg 4 novembre 2016.

[6] Mayette Viltard, « Les publics de Freud » , Littoral 17, Action du public dans la psychanalyse, septembre 1985, http://www.epel-edition.com/publication/115/littoral-17-action-du-public-dans-la-psychanalyse.html

[7] Jacques Lacan, « L’étourdit », in Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 449.

[8] Jacques Lacan, séminaire Les non dupes errent », séance du 18/12/73.

[9] Jaques Lacan, séminaire Ou Pire, séance du 21 juin 1972.

[10] François Jullien, Si parler va sans dire, Paris, Seuil 2006.