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La mâchoire de Freud (deuxième saison)

Séminaire


Dernière date

8 Juin 2023 - Paris

Un séminaire proposé par Yann Diener

Toutes les dates


  • 9 Février 2023

    9 Mars 2023

    13 Avril 2023

  • 11 Mai 2023

    8 Juin 2023

Argument


« La science et la technologie nous laissent le choix entre parler leur langage ou nous taire. » C’est l’écrivain anglais J. G. Ballard qui s’exprime ainsi. Trop souvent réduit à un auteur de science-fiction, Ballard nous parle d’aujourd’hui. Nous partirons de Crash !, son roman publié en 1973. Robert Vaughan, le personnage principal, recherche un rapport sexuel avec des voitures en provoquant des accidents de la route. Le narrateur, lui aussi, recherche la pénétration de bouts de technologie dans son corps. (« Sur leurs corps, des ouvertures auxiliaires fleurissaient par dizaines » ; « J’ai uni par mon phallus la voiture qui m’avait blessé et celle qui avait presque tué Gabrielle »).

Aujourd’hui, nous cherchons ce rapport avec d’autres machines : avec les technologies numériques (le hardware). C’est aussi avec les langages informatiques eux-mêmes que nous réalisons une interpénétration (le software). Nous vivons tous les jours des accidents sur les autoroutes de l’information. Là où y’en a pas, nous forçons un rapport : avec ces technologies de la parole, nous entretenons l’illusion qu’il y a du rapport. Cette proposition sera le fil du séminaire de cette année.

L’an dernier, nous avions travaillé à partir des propos de Freud sur les prothèses dans le Malaise : « L’homme est devenu une sorte de dieu prothétique, vraiment grandiose quand il porte tous ses organes auxiliaires. » (Les lunettes, les téléphones, etc.) Freud précisait que nos prothèses nous procurent encore de la gêne parce qu’elles n’ont pas « poussé en même temps que notre corps » ; mais il prévoyait qu’en la matière nous ferions des progrès considérables. Nous y sommes. Notre désir de prothèse est passé du corps à la parole. Nous comptons sur notre langue quotidienne informatisée pour nous guérir de ce cancer qu’est la parole. (« La parole est la forme de cancer dont l’être humain est affligé », disait Lacan le 17 février 1976).

Nous voulons des outils de communication et des traducteurs automatiques toujours plus performants : pour éloigner l’équivoque, pour chasser les malentendus et l’humour, pour éviter l’effroi des caricatures. Nous vivrons bientôt avec des intelligences artificielles qui auront plus d’humour que le trumain moyen, qui, identifié au langage machine, tient des raisonnements toujours plus binaires et identitaires. Nous aurons à discuter cette proposition.

Qu’est-ce que fabriquent les langages informatiques ? Ou plutôt : qu’est-ce que nous fabriquons avec ces langages ? Comment les chatbots, les robots de conversation, modifient la fonction de la parole et le champ du langage ? Pour réfléchir à ces questions, qui m’intéressent sur le plan de la technique analytique, nous aurons des invités. Entre autres, un linguiste qui travaille dans une GAFA. Les algorithmes qui imitent le langage humain rencontrent aujourd’hui une limite, celle de l’énonciation et de la compréhension des métaphores. À ce propos, nous discuterons avec Guy Le Gaufey à partir de son topo « Certitude et fantasme : limites de la métaphore » (28 septembre 1979).

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Les jeudis 9 février, 9 mars, 13 avril, 11 mai et 8 juin 2023
à 21h au local de l’ELP, 212 avenue du Maine, Paris 14e

Pour participer, téléphoner à Yann Diener au 06.63.93.58.46
ou bien écrire à yann.diener@icloud.com

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Éléments bibliographiques :

J. G. Ballard, Crash !, Londres, éd. Jonathan Cape, 1973 ; Paris, Calmann-Lévy, 1974 ; Gallimard, coll. « Folio », 2007, traduit de l’anglais par Robert Louit.

David Cronenberg, Crash, film canado-britanique, 1996.

Yann Diener, LQI – Notre Langue Quotidienne Informatisée, Paris, Les Belles Lettres, 2022.

Ian Fleming, The Spy Who Loved Me, Londres, éd. Jonathan Cape, 1962 ; Motel 007, traduit de l’anglais par Jacques Parsons, Paris, Plon, 1966.

Sigmund Freud, Unbehagen in der Kultur, Vienne, IPV, 1930 ; Malaise dans la civilisation, traduction de Marc Crépon et Marc de Launay, dans Anthropologie de la guerre, Paris, Fayard, coll. « Ouvertures bilingues », 2010.

Romain Gary (Émile Ajar), Gros-Câlin, Paris, Mercure de France, 1974 ; Gallimard, coll. « Folio », 2012.

Guy Le Gaufey, « Certitude et fantasme : limites de la métaphore », Journées de l’École freudienne de Paris, 28 septembre 1979 : https://legaufey.fr/19-certitude-et-fantasme-limites-de-la-metaphore-journees-e-f-p-sept-1979-non-publie-en-francais-13-pages-publie-en-traduction-anglaise-dans-revue-umbra/

Michel Houellebecq, Anéantir, Paris, Flammarion, 2022.

Victor Klemperer, LTI, Lingua Tertii Imperii : Notizbuch eines Philologen, Leipzig, Reclam-Verlag, 1947 ; LTI – La langue du IIIe Reich – Carnets d’un philologue, traduit de l’allemand par Elisabeth Guillot, Paris, Pocket, 2003.

Jacques Lacan, séance du 17 février 1976 du séminaire Le sinthome.

Philippe Lançon, Le lambeau, Paris, Gallimard, 2018 ; coll. « Folio », 2020.

Frédéric Laroche, Apprendre à programmer en Python pour jeunes débutants, Paris, Éllipses, 2015.

George Orwell, « Politics and the English language », un article paru en avril 1946 dans le journal Horizon ; « La politique et la langue anglaise », traduit par Anne Krief, Bernard Pecheur et Jaime Semprun, dans Tels, tels étaient nos plaisirs, Paris, éd. Ivrea, 2005.

Mathieu Triclot, Le moment cybernétique – La constitution de la notion d’information, Paris, éd. Champ Vallon, 2008.

 

Crédits de l’image : Freud Museum.