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Lacan sans Heidegger

Séminaire


Dernière date

2 Mai 2018 - Paris

Séminaire proposé par Yann Diener

à partir d’octobre 2017 

Lacan sans Heidegger

 

« Je ne me suis pas réclamé de Heidegger pour autant que je me suis permis de le citer pour trouver une formule frappante. » (Lacan, 1967).

 

Lacan se réfère beaucoup à Heidegger au début de son enseignement, et beaucoup moins à la fin, en tous les cas, très différemment. Et puis il finit par s’en passer. Mais nous faisons bien souvent comme si Heidegger avait toujours eu la même importance pour Lacan, lequel a pourtant pris soin de préciser sa position à plusieurs reprises, notamment à propos de cette formule heideggérienne, « l’homme habite le langage » : « Je ne me suis pas réclamé de Heidegger pour autant que je me suis permis de le citer pour trouver une formule frappante. » Lacan parle à cette occasion de la nécessité de « faire le ménage devant le monument. » C’est en 1967, dans « Place, origine et fin de mon enseignement ».

En 2005, en publiant Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie, Emmanuel Faye a ouvert un débat dans le champ philosophique. Débat houleux, passionné, compliqué, mais qui a l’avantage d’exister. Dans le champ psychanalytique, point de débat sur ce sujet délicat. Comme si en critiquant Heidegger on critiquait Lacan. Alors que justement ces deux-là sont bien distincts. Le 10 février 1976, dans le séminaire Le Sinthome, Lacan parle même de l’échec de ce philosophe, il parle « du point où bute toute la métaphysique de Heidegger ».

Lacan n’a rien à craindre du fait qu’on mette en question son usage de Heidegger.

Nous tenterons de questionner, par exemple, la conception totalisante de la vérité chez Heidegger, qui met en équation l’essence de la vérité avec l’essence de l’être, donc avec la Patrie et avec l’être-race. Le combat pour la vérité correspondant alors au dévoilement d’une origine pure. Comment tout cela passe-t-il chez Lacan dans l’usage qu’il fait de l’Alètheia ? On sait que Lacan n’en restera pas à la conception heideggérienne de la vérité, puisqu’il ira jusqu’à parler de varité – ce qui a des conséquences techniques autant que politiques.

Nous poserons également la question des effets du langage Heidegger sur la dynamique même du mouvement analytique. Avant l’année 2005 et les débats sur une réglementation des psychothérapies incluant la psychanalyse, les associations lacaniennes tenaient bon sur l’analyse laïque et sur la différence entre psychanalyse et psychothérapie. Mais le glissement de la psychanalyse vers la psychothérapie s’est accéléré et généralisé à partir de ce moment-là, lorsque quelques grosses boutiques lacaniennes ont demandé ou accepté l’immixtion de l’Etat dans la psychanalyse. Nous ferons cette hypothèse : cette immixtion, inédite chez les lacaniens, trouve une de ses sources dans l’idéal adaptatif et raciste propre à Heidegger. Le langage Heidegger (comme dit Henri Meschonnic), qui s’appuie sur un État total, a peut-être bien participé à la consolidation d’une novlangue psychanalytique, voire d’une psychanalyse d’État.

Et puis Heidegger avait prévu pour les années 2000 la publication post-mortem de ses textes les plus explicitement hitlériens – entre autres, ses Cahiers noirs, dont la traduction française est annoncée pour fin 2017. Il avait programmé une bombe à retardement dont le tic-tac devient assourdissant. En plus de ces textes inédits, Heidegger nous explique aujourd’hui, post-mortem, comment relire ses textes des années 30 et des années 50, des textes qu’il avait dû crypter avec des Deckname, des mots de couverture, parce que ses lecteurs n’étaient pas prêts…

En 2008, le linguiste Henri Meschonnic interpellait Lacan, qu’il jugeait « solidaire » de Heidegger. Il faut répondre à Meschonnic : il n’y a pas solidarité entre cet analyste et ce philosophe, mais il y a un risque de solidarité des lacaniens avec cette philosophie.

Ce séminaire se tiendra à l’ELP, 110 bd Raspail, Paris 6e, à 20h30 les mercredi 4 octobre, 8 novembre, 6 décembre, 10 janvier, 7 février, 7 mars, 4 avril, 2 mai, 6 juin. A certaines dates de ce séminaire, nous aurons des invités. Entre autres : Thierry Beaujin, Gianfranco Cattaneo, François Rastier, René Lew, Yannick Haenel, Oriane d’Ontalgie (s.r.).

(Pour participer au séminaire, prendre contact avec yann.diener@icloud.com)

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Références bibliographiques

Jean Allouch, Le sexe de la vérité (critique de la critique heideggérienne de la vérité), Cahiers de l’Unebévue, Paris.

Henri Meschonnic, Le langage Heidegger (PUF).

Henri Meschonnic, Dans le bois de la langue (éditions Laurence Teper, 2008, p. 495).

Oriane d’Ontalgie, Adversus Heidegger. Dérapages de la pensée sur un chemin forestier, Cahiers de l’Unebévue, Paris.

François Rastier, Naufrage d’un prophète. Heidegger aujourd’hui (PUF).

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