L’Anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari (1972)
Lectures plurielles
Dernière date
17 Juin 2020 - Tours
Gérard GAILLIARD
Dès les premières lignes de ce texte on est frappé par une sensation de foisonnement extrêmement complexe et cette sensation ne se départit jamais tout au long de la lecture. C’est que les éléments de logique habituels – que ce soit à un niveau philosophique ou à un niveau psychanalytique – sont bousculés, parfois renversés. On est d’emblée dans un nouvel ordre de compréhension, un nouveau modèle dans lequel il n’y a pas de séparation entre la pensée et le corps. L’organique et le psychique sont non seulement inséparables, mais ils constituent une seule et même matière.
Et la lecture même est difficile car l’écriture de ce livre se calque sur son sujet. La forme épouse le fond. On est donc obligés de suivre les méandres de l’esprit des auteurs au fur et à mesure de leur développement, des fragments entiers anticipent sur d’autres dans une écriture qui n’est en rien linéaire.
« Ça fonctionne partout, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu. Ça respire, ça chauffe, ça mange. Ça chie, ça baise. Quelle erreur d’avoir dit le ça. Partout ce sont des machines, pas du tout métaphoriquement : des machines de machines, avec leurs couplages, leurs connexions. Une machine-organe est branchée sur une machine source : l’une émet un flux, que l’autre coupe. Le sein est une machine qui produit du lait, et la bouche, une machine couplée sur celle-là. La bouche de l’anorexique hésite entre une machine à manger, une machine anale, une machine à parler, une machine à respirer (crise d’asthme). C’est ainsi qu’on est tous bricoleurs ; chacun ses petites machines. Une machine-organe pour une machine-énergie, toujours des flux et des coupures. Le président Schreber a les rayons du ciel dans le cul. Anus solaire. Et soyez sûrs que ça marche ; le président Schreber sent quelque chose, et peut en faire la théorie. Quelque chose se produit : des effets de machine, et non des métaphores. »
Le point de départ, ce sont donc les « machines », les machines-organes, ou machines désirantes, des machines posées comme « schizophrènes ». La question première et essentielle, qui va parcourir toute l’étude de cette théorie, est, non pas : qu’est-ce que ça veut dire, mais : comment ça marche ? Nous sommes faits de machines connectées les unes sur les autres, qui produisent. Quoi ? Justement la matière dont il était question tout à l’heure, celle de l’organique et du psychisme réunis, à savoir le désir. Qu’est-ce que le désir ? En premier lieu, notons que le désir est du côté de la production, la nature elle-même étant considérée comme un processus de production. À la notion d’inconscient-théâtre de Freud se substitue celle d’inconscient-usine chez Deleuze et Guattari. À chaque stade du processus « économique », il s’agira toujours de productions : productions de productions (actions et passions) ; productions d’enregistrements (distributions et repérages) ; productions de consommations (voluptés, angoisse et douleurs). Le désir circule par flux, qui investissent directement, en tant que réel, l’inconscient comme le socius. Le désir fait couler, coule et coupe.
Après Mille plateaux, Le Pli, Logique du sens, il nous a paru évident qu’il fallait, sur ce chemin creusé par Deleuze avec ou sans Guattari, relire (ou lire) L’Anti-Œdipe.
Image : Marcel Duchamp – La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.
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INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Les lectures auront lieu au rythme d’une séance par mois, d’octobre à juin, de 20 h à 22 h 30 :
Lieu : Le Relais Saint-Éloi – 8, rue Giraudeau 37 000 TOURS