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Le cas en psychanalyse. Essai d’épistémologie clinique

Bookanalyse


Dernière date

16 Octobre 2021 - Paris

Cas, vers 1250, Empr. du lat. casus, au sens d’ «  évènement, circonstance », propr. « chute ».

Dictionnaire étymologique de la langue française, O. Bloch et W. Von Wartburg.

Guy Le Gaufey se pose depuis longtemps la question du statut du cas en psychanalyse. Plusieurs articles et passages de ses livres en témoignent. Cette préoccupation au sujet du cas a été largement partagée à l’École lacanienne de psychanalyse, notamment lors d’un moment collectif sur lequel Danielle Arnoux rafraichira notre mémoire en ouvrant l’après-midi, moment qui s’est appelé « la fabrique du cas ». En 1984, dans le cadre de cette fabrique, Guy Le Gaufey avait préparé le récit d’une analyse qui venait de se terminer. Préparé donc, mais pas publié.

Fut-ce parce que publier un cas en psychanalyse relève d’une forme d’impossibilité logique faute d’un tiers en position extérieure au procès analytique lui-même ? C’est l’importance du défaut de ce tiers, aux yeux de qui le cas serait dévoilé comme en médecine par exemple, que le lecteur saisit au fil d’une argumentation qui peut paraître sinueuse tant elle mobilise les travaux passés en tant qu’appuis. Y sont convoqués aussi bien l’histoire de l’objectivité de Daston et Galison ou les carrés logiques dépliés dans Le Pastout de Lacan que la clinique médicale étudiée par Foucault, le Cogito lu par Hintikka, la publicité que Pasteur a dû déployer pour soutenir ses avancées scientifiques, les exemples de grammaire de Damourette et Pichon, l’enquête d’Alain Corbin sur Louis-François Pinagot, jusqu’aux cas fictifs de Susie Orbarch ! Avec à chaque fois la question de ce qu’il en est du référent – infime dans l’exemple de Corbin, inexistant avec les cas fictifs de Susie Orbach – et du tiers, comme public à instruire chez Damourette et Pichon ou constitué par l’élève dont il s’agit d’éduquer le sens clinique chez Foucault.

En psychanalyse il n’y aurait donc d’autre choix que le pis-aller, à faire mine d’aménager ce tiers que la situation analytique proscrit. Autre argument : « ce qui fait le plus de tort au cas en terre lacanienne – alors qu’il en principe bienvenu sur le sol freudien – c’est le concept de sujet ». Faire l’histoire d’un moi, aucun problème, mais comment prétendre saisir un sujet, partout promu dans l’enseignement de Lacan, alors que sa définition même – représenté par un signifiant pour un autre – le rend évanescent ? Difficulté supplémentaire, le rapport du sujet au moi est pour l’auteur un ensemble vide. Seul point de stabilité invoqué par l’auteur côté lacanien, le fantasme, « apte à perdurer, voire à se répéter à travers de multiples séries ». Mais, tout de même, l’embarras qui avait remisé le cas dans quelque tiroir en 1984 semble justifié au fil de l’ouvrage par une implacable nécessité et l’exercice de publication casuistique y prend des allures analytiquement insurmontables. Quelle surprise donc de trouver ce cas, relu, remanié et publié en clôture de ce même livre Le cas en psychanalyse !

Forts de cette chute inattendue, nous ne manquerons pas de points à débattre. Commençons :

– Les notions de tiers et de référent se chevauchent souvent dans le texte. Pourquoi avoir poussé ce chevauchement jusqu’à utiliser l’expression de « tiers-référent » ?
– Quid de la légitimité du « penser par cas » de l’auteur quand ceux qu’il faufile tout au long de son livre présentent un tel degré d’hétérogénéité ?
– Si, pour un lacanien, il est exclu de pouvoir construire un cas à partir d’une construction moïque et impossible de le faire à partir du sujet tel que Lacan le définit, pourquoi l’auteur, quand il en vient à présenter un cas, ne recourt-il pas explicitement à la notion de fantasme, qu’il a pourtant  présenté comme le seul point de stabilité à même de soutenir un récit ?
– Le cas finalement livré est interprété par un autre et le cas de celui qui tient la plume se tient dans les mêmes eaux (fantasmatiques (?)) que les deux premiers. Est-ce que cela suffit à éviter la position méta dénoncée ? Et ce tiers « proscrit par la situation analytique » n’est-il quand même pas convoqué ?

 

Débat avec Guy Le Gaufey

(Le cas en psychanalyse. Essai d’épistémologie clinique, paru aux éditions EPEL)

Samedi 16 octobre à 14h

USIC, 18 rue de Varennes, 75007, Paris

Entrée libre

Pass sanitaire requis par l’USIC

Image : Hans Gruber tombe, Die Hard, John Mc Tiernan (1988), 20th Century Fox.

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  • 16 Octobre 2021