Malaise dans la chrétienté Avec Paul Claudel

Conférence-performance

Malaise dans la chrétienté
Avec Paul Claudel

Danielle Arnoux
Charles Gonzalès 

La trilogie de Paul Claudel, L’Otage, Le Pain dur, Le Père humilié commence à la fin du Premier Empire et s’achève à la fin du règne de Napoléon III. On assiste à un « changement de versant de l’humanité » dans ce moment historique qui concerne trois générations des Coûfontaine. À la première, Sygne et son cousin le vicomte Georges de Coûfontaine sont confrontés au fils de leur ancienne servante, Toussaint Turelure. Ce roturier devenu baron et préfet symbolise une « autre humanité qui réclame sa place au soleil ». L’intrigue se noue autour d’un épisode réel, à savoir que le pape Pie VII fut bel et bien prisonnier de Napoléon Bonaparte de 1809 à 1814. Une portée historique et philosophique s’en dégage. L’héroïne claudélienne de cette « tragédie du désir » est appelée à consentir à un sacrifice atroce : épouser le bourreau de sa famille, trahir son amour, son être même, pour sauver le père suprême. Le renoncement (Versagung) de Sygne donne, « au-delà de toute valeur de la foi… un sens nouveau au tragique humain » (Lacan).
Un sacrifice de l’amour se réitère, diversement, à chaque génération de la saga Coûfontaine.
Serait-ce le passage obligé pour conquérir une nouvelle figure de l’érotique ?
Le conquistador du Soulier de satin s’y emploiera, secondé par l’auteur dans ses Lettres à Ysé.

Charles Gonzalès, comédien, auteur, metteur en scène viendra scander la conférence par des lectures « en toute humilité » claudélienne, ce qui est immense. On connaît sa bouleversante incarnation de Camille Claudel, créée en 2001, hors des sentiers battus. Thérèse d’Avila et Sarah Kane y ont fait suite, constituant une trilogie où la beauté, la spiritualité, la douleur de ces femmes ont été sublimées par son interprétation audacieuse, à la manière du théâtre japonais traditionnel. Il a publié un magnifique texte sur et avec L’incandescent Antonin A. Après avoir mis en scène La voix humaine, à Paris puis au grand théâtre d’Helsinki, il a récemment réalisé un film avec Terhi Panula qui fait entendre le texte de Cocteau dans une captivante intensité en même temps qu’il rend au théâtre un hommage somptueux.

Bibliographie sommaire :

Paul Claudel, L’Otage, le Pain dur, Le Père humilié, Paris, Gallimard folio, n° 170.
Claudel, Le Soulier de satin, Paris, Gallimard folio, 1957, n° 771.
Claudel, Mémoires improvisés, recueillis par Jean Amrouche, Paris, Gallimard, 1954, 1969, 2001. Trente-deuxième entretien, p. 262-269.
Claudel, Lettres à Ysé, texte établi, présenté et annoté par Gérald Antoine, Préface de Jacques Julliard, Paris, Gallimard, 2017.
Charles Gonzalès, Récit d’une noce obscure, L’incandescent Antonin A., ed. La feuille de thé, 2013.
Jacques Lacan, Le Transfert dans sa disparité subjective, sa prétendue situation, ses excursions techniques, séances des 3 mai et 17 mai 1961. Téléchargeable sur ecole-lacanienne.net/Lacan- bibliothèque/Séminaires-Versions critiques.
Jacques Le Brun, Le pur amour de Platon à Lacan, Paris, Seuil, 2002, p. 319-326.
Pour entendre quelques échos balzaciens on peut lire :
Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, Paris, Gallimard folio, n°468.
Honoré de Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Paris, Gallimard folio, n°1056.