Workshop à la Place publique du samedi 10 juin
Place Publique
Dernière date
10 Juin 2017 - Paris
WORKSHOP 2017
L’INSISTANCE DES POSSIBLES
DANS LES DÉCOMBRES DE LA PSYCHANALYSE
proposé par
Marco Candore, Anne Querrien et Mayette Viltard
Le matin au bar-forum
Le débat se développera sur la base des textes envoyés par mail avec ce flyer.
L’après-midi, à la galerie,
nous continuerons le workshop avec un montage de Marco Candore et quelques vidéos.
Pour télécharger le flyer cliquez ici.
Pour télécharger les textes cliquez ici en bas :
Michel Foucault, 1977: L’Anti-Œdipe, une Introduction à la vie non fasciste.
Georges Bataille, 1933 : La structure psychologique du fascisme.
Gilles Deleuze, 1977 : lettre à Michel Foucault.
Félix Guattari : Séminaire du 9 décembre 1980.
Jacques Lacan : Séminaire du 11 avril 1978.
Didier Debaise et Isabelle Stengers, 2017 : L’insistance des possibles, pour un pragmatisme spéculatif.
Michel Foucault, « Le Corps utopique » texte intégral 1966. Conférence radiophonique sur France-Culture.
Des livres:
Didier Debaise, Isabelle Stengers : Gestes spéculatifs, Les presses du réel, 2015.
Etienne Souriau : Les différents modes d’existence, Puf, 2017.
David Lapoujade : Les existences moindres, Minuit, 2017.
Jean-Yves Dormagen : Logiques du fascisme, Fayard, 2008.
J’avais besoin de votre assistance éventuelle pour me clarifier les idées. Je me suis aperçu – cela fait partie, d’ailleurs, de ce que je voudrais exposer – que, dans certains cas, on ne pouvait pas se clarifier les idées tout seul, et qu’il fallait mettre en place un agencement d’énonciation, parce que, sinon, les idées vous tombent des mains… Je cherchais un polygone de sustentation des idées. Je ne sais pas si ce polygone est réalisé ici, on verra.
Félix Guattari. Séminaire du 9 décembre 1980
Participation aux frais:
10 euros (tarif réduit 5 euros)
Toutes les dates
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10 Juin 2017
Argument
Chers amis,
Pour la dernière Place publique de cette année,
nous vous proposons un workshop en prenant comme points de repère partagés ce jour-là, les textes que nous vous envoyons en même temps que le flyer.
Quelques extraits des textes que vous avez reçus par mail en vue de ce workshop
En 1977, Foucault faisait de lʼAnti-Œdipe un art, un guide de vie quotidienne, une Introduction à la vie non fasciste.
Comment débarrasser nos discours et nos actes, nos cœurs et nos plaisirs, du fascisme ? Comment introduit-on le désir dans la pensée, dans le discours, dans l’action ? Comment le discours peut-il et doit-il déployer ses forces dans la sphère du politique et s’intensifier dans le processus de renversement de l’ordre établi ? Ars erotica, ars theoretica, ars politica.
D’où les trois adversaires auxquels LʼAnti-Œdipe se trouve confronté. Trois adversaires qui n’ont pas la même force, qui représentent des degrés divers de menace, et que ce livre combat par des moyens différents.
1) Les ascètes politiques, les militants moroses, les terroristes de la théorie, ceux qui voudraient préserver l’ordre pur de la politique et du discours politique. Les bureaucrates de la révolution et les fonctionnaires de la Vérité.
2) Les pitoyables techniciens du désir, les psychanalystes et les sémiologues qui enregistrent chaque signe et chaque symptôme, et qui voudraient réduire l’organisation multiple du désir à la loi binaire de la structure et du manque.
3) Enfin, l’ennemi majeur, l’adversaire stratégique (alors que l’opposition de LʼAnti-Œdipe à ses autres ennemis constitue plutôt un engagement tactique) : le fascisme. Et non seulement le fascisme historique de Hitler et de Mussolini qui a su si bien mobiliser et utiliser le désir des masses, mais aussi le fascisme qui est en nous tous, qui hante nos esprits et nos conduites quotidiennes, le fascisme qui nous fait aimer le pouvoir, désirer cette chose même qui nous domine et nous exploite.
Foucault, 1977
Né en Italie dans les années vingt, le fascisme a-t-il envahi nos comportements et nos corps ? Depuis les sommets de lʼEtat jusquʼaux profondeurs de la société civile italienne, lʼensemble des relations sociales se trouvent soumises à de nouvelles logiques. De nouvelles valeurs, de nouvelles normes, de nouvelles règles de comportements sʼimposent à tous. Cʼest donc bien une dynamique totalitaire qui se manifeste par lʼémergence dʼun système de contrôle des hommes et de leurs comportements à vocation totale. Le régime fasciste apparaît ainsi comme le précurseur dʼun « totalitarisme sans terreur » qui ne pratiquera pas le génocide ou le crime de masse, mais nʼen sera pas moins capable dʼengendrer une société de contrôle dʼun genre nouveau.
Jean-Yves Dormagen, Logiques du fascisme, 2008.
Je me suis posé la question de savoir sʼil était opportun, judicieux, de sortir dʼune perspective critique. Était-il concevable dʼenvisager une perspective méthodologique, pour essayer de rendre compte, dʼune autre façon, des pratiques dʼintervention – de thérapie, de psychanalyse, peu importe… Il sʼagirait, donc, de formuler, dans cette perspective, une série de points de repère, dont le premier objet serait de servir de garde-fou ; dʼempêcher de retomber dans ces espèces dʼévidences, dʼidées reçues, qui nous collent, vraiment, complètement à la peau, dans toutes ces professions.
Généralement, dans les perspectives psychanalytiques, on ne considère les choses quʼen tant que signifiant, mais on ne les considère pas en tant que référent, dans un champ social matériel donné. Là, il sʼagit, effectivement, de les prendre dans ce champ, en tant que ce champ excède, lui, par définition, lʼexpression sémiotique qui en est donnée, et quʼil est porteur de singularités.
Guattari, Séminaire du 9 décembre 1980
Marx a inventé le symptôme
Lacan, Dʼun Autre à lʼautre 1969
Faire importer une situation, passée ou présente, cʼest intensifier le sens des possibles quʼelle recèle à travers les luttes et revendications pour une autre manière de la faire exister. Cʼest pourquoi la pensée spéculative se retrouve si aisément dans les récits et les narrations qui, telle la science-fiction, explore dʼautres trajectoires possibles.
Nous pensons en revanche que la pensée critique ne nourrit pas une telle intensification. Elle confère au sens du possible la grandeur quasi-messianique dʼune attente qui demande fidélité mais surtout tout se passe comme si nous n’avions plus le choix aujourdʼhui quʼentre une montée en généralité de la notion de possible (appel messianique, construction utopique, volontarisme politique, possibles tout-terrain) lui faisant perdre toute effectivité, et un entreprenariat généralisé des opportunités dʼun marché qui ferait le tri entre les gagnants et les perdants.
Ce quʼil sʼagit dʼactiver aujourdʼhui est une pensée qui engage pour un possible mis quant à lui sous le signe de la lutte contre lʼadhésion au probable – contre toute interprétation qui souscrirait au caractère irrésistible du déchaînement capitaliste comme sʼil sʼagissait de notre destin, voire du vecteur privilégié du progrès et de lʼémancipation, alors quʼil désigne la désertification de nos mondes et notre impuissance à penser que ce à quoi nous tenons puisse avoir un avenir.
Debaise, Stengers : Lʼinsistance des possibles, pour un pragmatisme spéculatif, 2017
La subjectivité de pouvoir ne tombe pas du ciel; il nʼest pas inscrit dans les chromosomes que les divisions du savoir et du travail doivent nécessairement aboutir aux atroces ségrégations que connaît aujourdʼhui lʼhumanité. Les figures inconscientes du pouvoir et du savoir ne sont pas des universaux. La subjectivité demeure aujourdʼhui massivement contrôlée par des dispositifs de pouvoir et de savoir qui mettent les innovations techniques, scientifiques et artistiques au service des figures les plus rétrogrades de la socialité. Et pourtant, dʼautres modalités de production subjective – celles-là processuelles et singularisantes – sont concevables.[…] Elles existent déjà aujourdʼhui un peu partout.
Guattari. Cartographies analytiques 1989
Dans le passage du signifiant, tel quʼil est entendu, au signifié, il y a quelque chose qui se perd, en dʼautres termes, il ne suffit pas dʼénoncer une pensée pour que ça marche… Jʼai été conduit à ce qui est aussi une métaphore, à savoir matérialiser le fil des pensées. Jʼy ai été encouragé par quelque chose qui nʼest au fond que ce que je disais dès le départ, à savoir cette triplicité qui fonde la succession des générations. Il y a trois, trois générations, entre lesquelles il y a du rapport sexuel. Ça entraîne, bien entendu, toute une série de catastrophes et cʼest ce dont Freud, somme toute, sʼest aperçu.
Lacan 11 avril 1978
Il y a un sinthome il et un sinthome elle. Cʼest tout ce qui reste de ce quʼon appelle le rapport sexuel. Le rapport sexuel est un rapport intersinthomatique. Cʼest bien pour ça que le signifiant, qui est aussi de lʼordre du sinthome, cʼest bien pour ça que le signifiant opère. Cʼest bien pour ça que nous avons le soupçon de la façon dont il peut opérer : cʼest par lʼintermédiaire du sinthome. Comment donc communiquer le virus de ce sinthome sous la forme du signifiant?
Lacan 9 juillet 1978
C’est le miroir et c’est le cadavre qui assignent un espace à l’expérience profondément et originairement utopique du corps ; c’est le miroir et c’est le cadavre qui font taire et apaisent et ferment sur une clôture – qui est maintenant pour nous scellée – cette grande rage utopique qui délabre et volatilise à chaque instant notre corps. C’est grâce à eux, c’est grâce au miroir et au cadavre que notre corps n’est pas pure et simple utopie. Or, si l’on songe que l’image du miroir est logée pour nous dans un espace inaccessible, et que nous ne pourrons jamais être là où sera notre cadavre, si l’on songe que le miroir et le cadavre sont eux-mêmes dans un invincible ailleurs, alors on découvre que seules des utopies peuvent refermer sur elles-mêmes et cacher un instant l’utopie profonde et souveraine de notre corps.
Foucault, 1977.