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Le tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny

Bookanalyse


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21 October 2023 - Paris

Francisco Alsina, Inés Crespo, Laurent Gillette et Yan Pélissier

 

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  • 21 October 2023

Argument


BOOKANALYSE

invite

Catherine Perret

LE TACITE, L’HUMAIN
ANTHOPOLOGIE POLITIQUE
DE FERNAND DELIGNY

(Paris, Seuil, 2021)

 

 

Un éducateur c’est celui qui s’occupe des autres ?
Pour moi, non. C’est celui qui, avec ces autres, crée des circonstances, grâce aux autres qui sont là.

Fernand Deligny, Le croire et le craindre.

 

 

Fernand Deligny… Armentières, la Brèche aux Loups, les Cévennes, les enfants dits autistes, les lignes d’erre et puis ? Des films bien sûr, « Ce gamin, là », « Le moindre geste », mais encore ? Des écrits, beaucoup d’écrits… peu lus, difficiles à lire. Et des positions radicales… assurément, mais mal connues. Fernand Deligny, célèbre inconnu.

Catherine Perret nous fait rentrer dans le matériau Deligny en sept traversées et autant de chapitres qui creusent de plus en plus la radicalité de sa démarche. Chemin faisant, elle examine ce qui lie et ce qui oppose sa pensée, un théoriser dans l’agir, à celles de von Uexküll, Canguilhem, Wallon, Lévi-Strauss, Leroi-Gourhan et de bien d’autres.

Deligny écrivain, conteur, critique de cinéma, cinéaste, cartographe qui privilégie résolument le tracer au dessiner, le camérer au filmer. Tracer est pour lui fondateur. Mais griffonner, tracer ne vaut pas dessin, ne vaut pas représentation, ne s’interprète pas, c’est à prendre comme agir, comme une activité de « repérage ». Camérer vient plus tard, dans les Cévennes, où la caméra est là moins pour faire un film, qui viendra peut-être de surcroît, que pour créer avec les enfants de La Grande Cordée une manière de sentir, de percevoir, d’agir en corps et de penser ensemble qui fasse matériau de vie commune. Tracer, camérer, la tentative est la même, marquée par le refus de voir dans l’enfant un sujet à traiter, un problème à résoudre. Il n’y a rien à faire « pour » l’enfant, rien à corriger, juste à s’abstenir et prendre le geste tel qu’il vient, dans son intransitivité, dans son humanité. La cartographie des lignes d’erre s’inscrit dans la même logique. Fernand Deligny, bricoleur de génie.

Sollicité par ses amis du parti communiste qui auraient aimé faire de lui un des fers de lance de l’Éducation nouvelle initié par Célestin Freinet, Deligny esquive, remet la « méthode Freinet » à sa place et renvoie dos à dos éducation individuelle et éducation collective. Ami de Jean Oury et de Felix Guattari – qui lui prêtera une maison dans les Cévennes – il s’occupera de la mise en page du journal initié par Guattari à La Borde, après s’y être installé avec sa famille, mais il restera étranger à la démarche de la psychothérapie institutionnelle, sensible comme il l’est aux dégâts provoqués par le désir de soigner. Encore une fois, il est ailleurs. Fernand Deligny, dissident sans étiquette.

Si Deligny demeure étranger aux projets de libération qui ont marqué son époque, il n’aura, suivant en cela les théories sur le milieu de son ami Henri Wallon, cessé de construire des milieux d’infinie liberté. Ce milieu, qu’il appelle aussi « matière d’entre », où s’élaborerait entre les humains, par-delà le langage, de façon tacite, les matériaux d’une vie commune.

Catherine Perret arpente le matériau Deligny en nous le présentant contextualisé, rendu à sa radicalité et bien au-delà des clichés de surface. Ce faisant, elle essaye d’y dégager les ferments d’une clinique à venir, une clinique du milieu. D’où, parmi les nombreuses questions : cette tentative n’implique-t-il pas une forme de trahison à l’égard de celui qui a toujours récusé le terme de clinique pour qualifier son travail et qui a de plus en plus soigneusement évité tout milieu clinique ?

 

Samedi 21 octobre de 16 à 18h

École lacanienne de psychanalyse

212 avenue du Maine

75014 Paris

Code 926B5, interphone 46, 2ème étage droite.

Entrée libre

 

 

Crédits de l’image :  Tracé par Jacques Lin, non daté. Vue aérienne de la pièce où il a vécu durant l’hiver de 1970-1971 avec entre trois et six enfants autistes. Le Serret (la magnanerie des Guignard). (Source : Cartes et lignes d’erre. Traces du réseau de Fernand Deligny, Paris, L’Arachnéen, 2013, p.63).