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Neuropromesses. Une enquête philosophique sur les frontières des neurosciences


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23 September 2022 - Paris

Francisco Alsina, Inés Crespo, Laurent Gillette et Yan Pélissier

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  • 23 September 2022

Argument


BOOKANALYSE
Invite Denis Forest pour

 

Neuropromesses. Une enquête philosophique sur les frontières des neurosciences
Éditions Ithaque

 

Un bon enseignant est un enseignant qui a un bon modèle mental du cerveau de l’enfant.
Stanislas Dehaenne, Président du conseil scientifique de l’éducation nationale

Vous vous imaginez que la pensée, ça se tient dans la cervelle.
Je ne vois pas pourquoi je vous en dissuaderais.
Moi, je suis sûr – je suis sûr comme ça, c’est mon affaire – que ça se tient dans les peauciers du front, chez l’être parlant exactement comme chez le hérisson. J’adore les hérissons.
Jacques Lacan, « La troisième », 01/11/1974

 

Après Neurosceptiscisme, le nouveau livre de Denis Forest, Neuropromesses, se présente comme une enquête philosophique sur les neurosciences qui, le titre l’indique, promettent beaucoup. « Il est “pour demain“, le dévoilement des secrets de la conscience et des mécanismes de la pensée. Pour demain, la connaissance des lois qui gouvernent le mode des neurones, des nématodes aux cerveaux humains. Pour demain, la guérison des maladies mentales en s’attaquant directement à leurs causes cérébrales. Pour demain, un cerveau sur mesure, et des individus améliorés, plus heureux, moins dangereux, plus compatissants, plus empathiques. Pour demain, de nouveaux modes de vie où l’on agira sans remuer les doigts, en commandant à des machines par la seule pensée. »

C’est dans la dernière partie de son livre que l’auteur se penche le plus précisément sur des points où les neurosciences promettent beaucoup. D’une part, quand elles se portent à la pointe de cette idée largement partagée que le mental et le cérébral s’équivalent. Perspective moniste d’une « théorie unifiée de l’esprit-cerveau » ou tout gain de connaissance sur le fonctionnement cérébral est ipso facto un gain en matière de connaissance de soi – soit un projet plus métaphysique que scientifique de déterminer qui nous sommes. Il y examine aussi l’étrange attelage des neurosciences de l’autisme et des Neurodiversity Studies. Si chacune des deux parties y trouve politiquement son compte, il détaille comment chacune va en fait son chemin. Point problématique parmi d’autres : comment concilier une recherche qui vise à mettre en évidence un dysfonctionnement et potentiellement une maladie du cerveau relevant d’un traitement, si possible médicamenteux, et des militants qui défendent qu’une personne autiste n’est en rien dysfonctionnante, et encore moins malade, mais neuroqueer ?

De la révolution de l’optogénétique (ou comment a été découvert, et sans grand financement, que la lumière peut activer les neurones) qui va radicalement changer le regard sur le monde neural aux promesses de la connectomique (ou comment l’idée de réseau, nœud, arête, module, hub s’est imposé à partir des 302 neurones d’un modeste ver de terre, C. Elegans) le livre entend expliciter promesses et menaces des neurosciences à l’égard de nos vies.

À l’heure de financement parfois colossaux, comme celui du Human Brain Project, Denis Forest tente de nous guider dans des enjeux inextricablement politiques et épistémologiques, entre « sciences révolutionnaires » et sciences incrémentales, entre représentations savantes et communes. Il nous rend les recherches en neurosciences lisibles et nous montre que leur horizon n’est peut-être pas ce qu’elles dessinent le plus souvent. Loin de la question des relations entre cerveau et pensée, il nous indique que là où les neurosciences gagnent en précision, systématicité et fécondité, et qu’elles sont susceptibles de tenir leurs promesses, c’est quand elles tentent de « répondre aux questions relatives à l’origine du monde neural, aux causes de son émergence, à l’unité de ce monde (à la diversité phénoménale), à sa place à l’intérieur du monde biologique (quelle relation y a-t-il entre le monde des organismes à neurones et celui des organismes dénués d’organisation nerveuse ?) ».

De la façon dont l’aura légitime, mais mal placée, des neurosciences, contribue à déshabiller la psychiatrie aux excès de la connectomique, expliquant la schizophrénie par les « anomalies des hubs cérébraux », en passant par notre propension à nous identifier à notre cerveau ou la façon de se situer en temps d’autismépidémie, le livre ouvre à une foule de questions.

 

Débat avec Denis Forest

Vendredi 23 septembre à 20h30

USIC, 18 rue de Varennes, 75007, Paris

Salle Orgebin

Code d’entrée de la porte : 01344

Entrée libre

 

Image : Cobb et Ariadne au pont de Bir-Hakeim, Inception, Christopher Nolan (2010), Warner Bros. Pictures.